LA SALLE DES PAS PERDUS

La salle des pas perdus de la Gare St Jean à Bordeaux est immense. Elle accueille les voyageurs et veille sur 15 quais, protégés par une magnifique verrière. Depuis les premières heures du jour, le hall de la gare St Jean est sans cesse en effervescence et toutes les 5 mn un flot de voyageurs se déverse de la rame du tram, et des nombreux bus et taxis. Ca grouille en tous sens et les pas résonnent sur le granit rose. 

Certains voyageurs traversent la cour et le hall de la gare en courant, poussant d'énormes bagages et semblent fébriles à l'idée de manquer leur train, quand d'autres se promènent nonchalamment, passant du Café Brasserie aux nombreux commerces qui offrent aux badauds l'opportunité de dépenser de l'argent. 

Ce matin de mars, fuyant difficilement les courants d'air, je ne déroge pas à mes habitudes, obsédée par la ponctualité, et donc en avance d'1 heure sur le départ de mon train, je me prépare à traverser le hall pour la seconde fois. La Brasserie relookée à neuf, déco tendance industrielle, m'a déjà réconfortée d'un délicieux chocolat, servi par une jeune fille rapide et efficace. 

J'ai exploré les toilettes, à l'autre bout du Hall., refaites à neuf, elles aussi. On y entre à l'aide d' une machine robotisée qui rend la monnaie et vous ouvre le portillon vers un monde silencieux et aseptisé. Les gares ont fait  de réels progrès d'hygiène.

Un peu plus tard, je passe devant des vitrines alléchantes de restauration rapide à emporter, Colombus, Paul, Brioche Dorée etc... De nombreuses boutiques de cadeaux, bagages, Presse, Bijoux fantaisie, Produits de beauté, représentant les grandes enseignes telles que Hema, Moa, Parfois, Swarovski, Sephora, se pressent pour avoir leur part de gâteau. Je passe devant sans m'arrêter. Je résiste à l'appel de ces tentations si bien mises en valeur sous les spotlights. Mais tout ce qui brille n'est pas or !

Sans doute distraite, je me fais bousculer par le sac à dos énorme d'un jeune voyageur asiatique. Il semble un peu perdu aussi je lui pardonne sa maladresse. Il me baragouine une excuse sans doute en anglais et chacun poursuit son chemin. Ah, voici le charmant stand des fameux canelés de la Maison Baillardran. J'en achète une boite de la dernière fournée, bien caramélisée et parfumée. Le précieux petit sac exhale une délicieux parfum de rhum et de vanille. 

Soudain, des cris viennent du fond du hall mais même à 200 m on distingue une bousculade, un début de bagarre entre 3 hommes et 2 femmes. D'après les vêtements bariolés et les jupes longues des femmes il se pourrait que ces voyageurs agités et vindicatifs arrivent ou repartent des pays de l'Est. La Roumanie, sans doute. La gare est arpentée en continu par de jeunes militaires, armes au poing, section Vigie-Pirate. Ils se dirigent tranquillement vers les fauteurs de trouble et les belligérants se calment aussitôt.

Une petite fille accrochée au cou de sa mère sanglote. Elle n'est pas d'accord pour partir avec ses grands-parents. Après quelques cajoleries et l'apparition opportune d'un énorme ours en peluche l'enfant est aussitôt plus docile. Gracieuse, elle envoie même des baisers à sa maman. 

Dans un recoin, près des automates qui délivrent des billets de train, un gentil petit couple s'embrasse à bouche-que-veux-tu. Ils sont adorables et tout jeunes. Premier amour sans doute, à les voir tout absorbés l'un par l'autre. Seuls au monde, dans ce tintamarre ! Les annonces de départs et d'arrivées des trains, les consignes de sécurité, les exclamations de joie de ceux qui se retrouvent, le brouhaha des conversations, bref le hall de la gare ressemble à une ruche, et malgré tout ce bruit, les notes égrenées d'une valse de Chopin viennent chatouiller agréablement les oreilles. Le fameux piano de la gare a trouvé un vieux musicien inspiré. Un peu de douceur dans cette agitation. 

Eh, ce n'est pas tout ça, mais je n'ai plus que 10 mn pour m'élancer vers le quai 12, direction d'Angoulême ou m'attendent mes chers amateurs de canelés.

Tchou, Tchou ….