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HISTOIRES, ANECDOTES ET POEMES.

Marie-Alice et Jean-Colin, nouvelle by Agatha

Marie-Alice et Jean-Colin, nouvelle by Agatha

18h46, la nuit tombe en ce vendredi 11 mars 1691.

Marie-Alice sort de l'église de St Sigismond. Elle vient d'assister aux vêpres dans la petite église romane. 

"Deus, creator omnium", cette phrase en latin résonne à son oreille. Ce soir Marie-Alice a prié de toute son âme. Elle a jeté toute sa ferveur, toute son espérance, au pied de l'autel.

Ce soir Marie-Alice ne rentrera pas chez elle. Cette nuit Marie-Alice ne dormira pas. Marie-Alice profite de la pénombre et court vers la Charente, guidée par son clapotis.

2 ans plus tôt

Le village est en effervescence, on fête la St Jean. Les plus courageux vont sauter à travers le feu. Puis, un grand bal sera donné par Jacques Bouvreuil, le riche Maître de Forges, qui, ainsi, étalera une nouvelle fois sa puissance. Grâce à lui, les 20 familles du village gagnent leur vie. Depuis que Louis XIV passe commandes de canons, des forges s'élèvent un peu partout tout le long de la Charente et de ses affluents. Jacques Bouvreuil a installé sa forge à Juac, tout proche des gabarres de St Sigismond qui transportent le matériel jusqu'à Rochefort.

C'est le 1er bal du jeune apprenti-gabarrier, Jean-Colin Boussiniac, corrézien d'origine. Il a rejoint son oncle, gabarrier depuis 10 ans, pour subvenir aux besoins de sa mère et de ses 7 frères et soeurs.

Le bal a commencé mais, Jean-Colin, timide ne se joint pas encore à la joyeuse farandole, formée par tous les jeunes-gens du pays. Au moment de la gavotte il reçoit une grande bourrade dans le dos et se sent propulsé au centre des danseurs, nez à nez avec une charmante demoiselle toute brune aux yeux noirs comme des grains de café. Un nez retroussé et des joues bien rouges, voilà ce que Jean-Colin reçoit comme informations. Troublé, il en perd l'équilibre et se rattrape comme il peut car la belle continue à le fixer. Il faut dire que Jean-Colin est un beau gaillard aux yeux verts d'eau, comme la Charente qui coule non loin. Leurs 2 coeurs innocents s'embrasent.

Il faudra le bal suivant, à la fête des moissons, pour que la gavotte les rapproche. Jean-Colin a pris des cours entre temps. Puis, ils se croisent tantôt au village, le dimanche après la messe, tantôt à la forge et les tourtereaux, âgés de 15 et 17 ans,  continuent à se manger des yeux.

A la Noël, il lui prend la main et aux premiers lilas il lui vole un baiser. Un dimanche de mai, il l'emmène en barque sur la Charente qu'il connait comme sa poche. Le soleil printanier rehausse d'or et d'émeraude les aulnes, les ormes et les frênes qui bordent le fleuve. Les feuilles nouvelles se reflètent dans l'eau, la barque glisse doucement vers les 2 bras qui forment in ilet naturel et Jean-Colin, les conduit sous le berceau le plus touffu. Les branches forment un arceau protecteur qui les isole du monde. Seul le chant clair de la sarcelle, roulé et musical tel une flûte remplit le silence. Le floup-floup léger des rames caresse l'onde sans presque la rider. Un martin-pêcheur fend l'eau à toute allure pour attraper un petit poisson, gardon, ablette ou têtard, dont il raffole.

Quelle est belle et douce la Charente qui leur offre cette clairière miroitante, ce petit paradis vert, cet ilôt de tendresse. Elle protège nos amoureux, leur chante le murmure apaisant de l'eau tranquille et les berce de ses ondulations soyeuses. Jean-Colin et Marie-Alice, les petits fiancés du fleuve,  sont heureux. C'est sans compter le courroux du père de la jeune-fille. Punie, enfermée dans sa chambre et mariée dans les 2 mois suivants.au gros et vieux Comte Albert de Ruffac, veuf de 45 as, père de 4 enfants à élever, et cacochyme en plus !

Le mariage est célébré promptement malgré les supplications de Marie-Alice, et au désespoir de Jean-Colin. C'est que le Père se méfie, des fois qu'elle serait grosse de ce vaurien de gabarrier. 

11 Mars 1691, 19h03.

La nuit noire protège la fuite de Marie-Alice. Elle court à perdre haleine. Elle n'a que peu de temps devant elle avant que son vieux mari ne s'aperçoive de sa disparition. Il est méfiant, le bougre ! Enfin, elle discerne la barque. Jean-Colin est là, dissimulé sous un saule pleureur. Il a jeté le cri de la poule d'eau en guise de signal. Il lui tend la main. Marie-Alice embarque et se cache aussitôt sous une couverture, au fond du bateau. Tout est silencieux, les gestes sont lents et sûrs, seules les respirations trahissent leur émoi. Une risée aide leur fuite et leur donne de l'élan. Le chant grave et répétitif d'un crapaud mesure le temps. A présent la barque passe devant l'ilot qui leur a servi de berceau d'amour. Jean-Colin rame toute la nuit, ses bras sont engourdis de froid. Le fleuve a fait remonter l'humidité, mais le jeune-homme reste vaillant et déterminé. La barque glisse sur l'eau, passe sous les ponts et épouse les méandres du fleuves.

Tout juste avant Cognac au moment où l'aube perce et fait scintiller l'eau, la barque accoste enfin sur une berge. Une charrette tirée par 2 chevaux fringants les charge. Rassurés de n'avoir aucun cavalier les poursuivant, ils piquent nord ouest pour rejoindre La Rochelle. Mieux vaut éviter Le Port des Barques de Rochefort, moins loin mais très fréquentés par les gabarriers. 4 jours de voyage et 8 relais pour changer de montures, tous les 3 habillés en paysans, ils arriveront à temps pour trouver la goélette "La Jolie". L'oncle de Jean-Colin, qui a organisé la fuite, et qui possède une belle bourse de Louis d'Or, embarque aussi pour les Amériques.

Adieu ma douce Charente. Deo creator omnium....qu'elle est belle la prière de St Ambroise.

Dieu, créateur de toutes choses

Maître du Ciel que revêts

Le jour d'une admirable lumière

Et la nuit du bienfait du sommeil.

 

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